Ou comment l’art tente d’inverser le rapport actuel entre culture dépressive de l’anthropocène et aspiration bienheureuse à l’Eden.
En savoir plus ici
Ou comment l’art tente d’inverser le rapport actuel entre culture dépressive de l’anthropocène et aspiration bienheureuse à l’Eden.
En savoir plus ici
MARDI 18 DÉCEMBRE À 19H
78 rue Amelot, 75003, Paris
Dès 18h, à l’occasion de ce VIDEO FOREVER, Paul Ardenne présentera et dédicacera son dernier ouvrage, Un Art écologique – Création plasticienne et anthropocène (postface de Bernard Stiegler ; Le Bord de l’eau, 2018).
« Ce monde que nous n’avons pas encore perdu »
L’actuel enjeu écologique est majeur. À travers lui est engagée la survie de l’espèce humaine sur la Planète. À travers lui, sans ménagement, se pose la question du maintien ou non de cette même espèce humaine au sein de la « Terre Mère », si possible dans des conditions non-apocalyptiques. Lutter contre le désastre environnemental ? C’est entendu : il le faut, et maintenant. Que peut l’art, dans cette partie ? Rien, ou si peu. Entendons, rien ou très peu en termes d’efficacité concrète.
D’un côté du ring, l’art – une affaire de poésie, de ressenti esthétique, un répertoire de formes plastiques et d’élaborations sensibles. De l’autre côté de ce même ring, la réalité écologique à l’ère, dit le prix Nobel de Chimie Paul Jozef Crutzen, de l’« anthropocène » – à savoir l’émission ininterrompue des Gaz à Effet de Serre (GES), la pollution atmosphérique qui en découle, le pillage continué des ressources naturelles, la déforestation à grande échelle, la montée du niveau et l’acidification graduelle des océans, l’effondrement de la biodiversité, sur fond de réchauffement climatique. N’en jetez plus.
Contre cette déferlante de calamités prospérant de l’irresponsabilité humaine, l’art ne saurait être une panacée que dans la mesure où il vient décalquer cette décision ultime, désespérée et orgueilleuse, ne pas abdiquer. Toute situation fatale, tant qu’à faire, gagnera à être vécue dans le déploiement de cette fatalité et, au creux de celle-ci, dans la quête des interstices où trouver des parades, des occasions de se sauver, de l’amour, de l’espoir, de la beauté. L’anthropocène est là ? L’Eden aussi, dans sa configuration minimalisée mais préservée, sous condition d’aller le chercher. Après quoi un autre temps viendra, celui de faire prospérer les graines sauvées de l’Eden et de replanter le champ du monde.
Ce VIDEO FOREVER, propice à l’aveuglement volontaire et à la foi du charbonnier (mais tant pis : plutôt idéalistes que déjà morts, selon une formule de l’artiste anglais Gustav Metzger, récemment disparu), entend se présenter comme un conte d’hiver avec un « happy end ». L’effet de l’esprit de Noël ? Plutôt, le signe d’une farouche envie de vivre l’Eden malgré tout, encore et encore, n’en resterait-il que les scories, en s’extrayant de la cendre et pour frayer avec la lumière, même blafarde.
L’artiste, la solitude, la résistance
Avec des vidéos de Volkan ASLAN, Daniel BEERSTECHER, Ali Kazma, Luc MATTENBERGER, Frank SMITH, Alicia MERCY, Frank PERRIN, Guendalina SALINI, Khvay SAMNANG, Sarah TROUCHE, Frank PERRIN, Tabita REZAIRE & Miguel Angel RIOS.
Solitude et résistance ne font pas forcément bon ménage, la résistance efficace est plutôt du côté du groupe, de la phalange organisée. L’artiste, sauf à opter pour la création en collectif, ou de nature participative, est le plus clair du temps un ouvrier isolé ou qui peut le devenir, emporté dans et par sa propre expérimentation créatrice, parfois bientôt muré en elle, retranché dès lors de la sphère de l’activisme social.
Une résistance solitaire est-elle possible ? La création vécue comme résistance à l’ordre établi, quel qu’il soit, est-elle soluble dans les grands mouvements d’opposition politiques ou éthiques ? Le créateur est porteur d’une « micropolitique », or celle-ci peut-elle être efficace au-delà du cercle restreint de sa propre personne ?
Toute création d’essence artistique est une « résistance » si l’on admet que créer, c’est changer l’ordre du monde. C’est parce que le monde n’est pas celui que nous attendons que nous y ajoutons une création de notre main. En cela, créer c’est résister au monde tel qu’il est, en le modifiant par l’apport de l’œuvre d’art. Il est bien entendu, ici, qu’on désigne une « résistance » qui est d’abord intime avant d’être sociale. L’œuvre d’art, ici, signe ma capacité à ne pas me laisser submerger par la réalité et, de concert, elle témoigne de la prise que je puis avoir sur cette dernière, dont, dans cette réalité générale, ma propre réalité.
Solitude donc plénitude. La création solitaire, c’est-à-dire voyant l’artiste développer en lui-même son projet artistique, est un facteur garant de plénitude, prodigue d’un état de bienfait ou de bonheur que les créateurs connaissent bien. Créer est difficile, épuisant souvent. La dynamique créative et la pulsion à la plénitude, cependant, motivent l’existence, satisfont le désir, épanouissent le vouloir-vivre, transportent le corps à la manière de la passion amoureuse, avec le même élan positif. Cette dynamique créative est un projet, elle tend à une concrétisation de l’œuvre d’art qui est pour le créateur un témoignage de son potentiel accomplissement vital. Résister, en fait, se vit d’abord en solitude. En se donnant à soi-même, à ses inflexions propres et à ses tensions intimes dans un élan de désir.
Avant de résister à quoi que ce soit, en fait, le créateur artistique doit se donner sans résistance à son projet. Si désir de résistance il a, ce désir ne saurait s’exaucer et se satisfaire sans le préalable du don de soi à soi. De la micropolitique vers la macropolitique, en somme, et pas le contraire.
Présentation de Paul Ardenne, Barbara Polla & Nicolas Etchenagucia
Réservation auprès de barbara.s.polla(a)gmail.com.